Notice biographique de M. Francisco Murillo Ferrol
par par Fernando Vallespín
Un maître des sciences sociales:
Don Francisco, comme nous l'appelions tous, a joué un rôle clé dans l'évolution de la sociologie et de la science politique en Espagne au cours des quatre dernières décennies du XXe siècle. Il fut professeur de droit politique aux universités de Valence, de Grenade et Autonoma de Madrid et membre de l'Academia de Ciencias Morales y Políticas. Il reçut le prix national de sociologie et de science politique du CIS en 2003, le premier du genre décerné par cette institution.
Il débuta sa carrière universitaire par une thèse doctorale sur Francisco Suárez et publia ensuite son premier livre « Saavedra, Fajardo y la política del Barroco » (Saavedra, Fajardo et la politique du baroque, Instituto de Estudios Políticos, Madrid, 1957 ; réimprimé en 1989). Ce livre est encore une référence à l'heure actuelle en tant qu'étude spécifique de l'histoire de la pensée. Peu de temps après, il entra directement en contact avec la sociologie et la science politique américaines de l'après-guerre, ce qui se traduisit ensuite par la publication de ses « Estudios de Sociología Política » (Études de sociologie politique, Tecnos, Madrid, 1962), par ses études empiriques sur l'Andalousie, sur les classes moyennes et sa participation à l'élaboration de plusieurs rapports de la FOESA. En qualité de directeur de l'Instituto de la Opinión Pública (Institut de l'opinion publique, devenu aujourd'hui le CIS), il eut l'occasion de reprendre et d'évaluer ce type d'approche ainsi que les nouvelles méthodes quantitatives. À tous ces travaux, il convient d'ajouter des études sur le droit constitutionnel et sur la théorie de l'État, sur la structure et le changement social, sur l'inégalité, sur des thèmes spécifiques de science politique et sur bien d'autres sujets encore que nous ne pouvons présenter ici dans le détail. Il suffit de jeter un œil à la table des matière des deux volumes composant ses « Ensayos sobre sociedad y política » (Essais sur la société et la politique, Península, Barcelone, 1987 et 1988) pour se rendre compte de la diversité des thèmes auxquels il s'intéressait. À leur lecture, nous pouvons observer par ailleurs les principales caractéristiques de son écriture : son style soigné et ses efforts pour ne pas clore les débats, pour suggérer plus que pour affirmer.
Les considérations énoncées ci-dessus témoignent sans aucun doute de sa contribution aux sciences sociales en Espagne. Mais pour ses nombreux étudiants, il était bien plus que cela. Il n'est pas aisé de trouver un terme pouvant résumer tout ce dont nous lui sommes redevables. Il fut notre maître et notre ami, notre guide académique et le complice attentif de notre évolution brouillonne sur les chemins du savoir. Mais il était avant tout un exemple. Personne ne pouvait rester insensible devant sa rectitude et sa bonhomie, son enthousiasme pour la lecture et la connaissance de la réalité sociale, son insatiable curiosité intellectuelle. Son scepticisme salutaire et son recul ironique par rapport à l'immédiat et à la mode du moment étaient légendaires. Mais, toujours, il faisait preuve de tolérance et s'intéressait même à nos sempiternelles extravagances et divagations. Et il était toujours là lorsque nous avions besoin de lui, nous prodiguant conseils et affection. Si le souvenir des personnes qui s'en vont est le meilleur garant de leur survie, alors notre maître restera vivant tout au long de notre vie.