Premio Nacional de Sociología y Ciencia Política 2005

Notice biographique de M. José Jiménez Blanco
par par Miguel Beltrán Villalva

José Jiménez Blanco

Issu d'une famille de Grenade, José Jiménez Blanco est né à Séville en 1930. C'est dans l'université de cette ville qu'il obtint sa licence en droit et que, intéressé déjà par les sciences sociales, il commença à préparer sa thèse sous la direction de M. Francisco Murillo. En 1952, M. Murillo obtint la chaire de droit politique à l'Université de Valence, où le suivit José Jiménez Blanco en qualité de professeur assistant. Après la soutenance de sa thèse (une analyse du contenu des propositions du Parlement de Castille, un pionnier dans ce genre d'études), il partit poursuivre des études de troisième cycle en 1959 à l'Université de Michigan, à Ann Arbor. De retour en Espagne, il obtint en 1962 la chaire de sociologie de la faculté des Sciences politiques, économiques et commerciales de Bilbao. En 1964, il fut transféré à Malaga puis retourna à Valence en 1967. Dans les deux cas, il fut engagé comme coordinateur et premier doyen d'une faculté de création récente. En 1969, il fut engagé à l'Université Autonoma de Madrid, qui venait d'être fondée, en qualité de professeur à la faculté des Sciences économiques et commerciales. Enfin, il s'établit en 1979 à la faculté des Sciences politiques et de Sociologie de l'Université Complutense. Il y donna cours pendant un quart de siècle et partit à la retraite en 2000. Il est aujourd'hui professeur émérite de cette même université.

Force est de constater que la carrière de Jiménez Blanco reflète le processus d'institutionnalisation académique de la sociologie en Espagne : il fut transféré dans plusieurs universités, du nord au sud et de l'est à l'ouest, inaugura des chaires de sociologie un peu partout en Espagne, toujours au sein des facultés des Sciences économiques, jusqu'à ce qu'il parte enseigner à la faculté des Sciences politiques et de Sociologie de l'Université Complutense, où il restera jusqu'à sa retraite. Dans le même temps, il recevait le titre de Docteur Honoris Causa de l'Université de Grenade et fut décoré de la Grande Croix d'Alphonse X le Sage, mettant ainsi un point d'honneur à une carrière longue et féconde. Mentionnons également les quatre années qu'il passa à la direction de l'Instituto Nacional de Ciencias de la Educación (INCIE, « Institut national des Sciences de l'éducation »), auquel il donna une forte projection internationale.

La biographie du professeur Jiménez Blanco ne devant pas se résumer à un simple aperçu de son curriculum vitae, il convient de mentionner quelques-unes de ses publications les plus intéressantes. L'une d'entre elles est la traduction en espagnol, réalisée en 1966 en collaboration avec José Cazorla, professeur de science politique à l'Université de Grenade, du « Système social de Parsons » : cette traduction est un prodige de précision quant à l'emploi de la langue espagnole et de la terminologie sociologique et nous révèle un niveau de connaissance de la théorie parsonienne hors du commun.

Outre cette traduction, il est l'auteur d'un petit livre publié en 1978 dont le sujet contraste avec cette dernière et qui est intitulé « De Franco a las elecciones generales » (De Franco aux élections législatives). Cet ouvrage rassemble les articles publiés par José Jiménez Blanco dans les journaux et les revues entre les jours suivant immédiatement la mort de Franco et le 15 juin 1977 : un peu plus de soixante articles publiés en moins de deux ans inspirés, comme le souligne l'auteur dans le prologue, par l'obligation de « donner un coup de collier » dans le processus délicat qui s'ouvrait alors, sans pour autant abandonner sa vocation académique et se lancer dans la politique.

Son « Introducción a la Sociología » (Introduction à la sociologie), en format de poche, mérite également une mention particulière. Ce livre de 150 pages aborde les thèmes essentiels liés à la culture, la personnalité, le milieu écologique, le groupe, la famille et la stratification. L'auteur allie une rigueur hors pair à un grand effort de divulgation, mû par une approche didactique. Par contraste, de nouveau, avec ce dernier ouvrage, citons une série exceptionnelle de quatre articles réunis sous le titre suivant : « Sobre la disputa del positivismo en la sociología alemana » (Sur la dispute du positivisme dans la sociologie allemande). Numérotés de I à IV, ils furent publiés entre 1974 et 1975 sous les numéros 36, 37, 39 et 42 de la publication appelée alors la « Revista Española de la Opinión Pública ». José Jiménez Blanco écrivit ces articles suite à la parution en Espagne du livre auquel fait référence le titre des articles (ce livre était un recueil des débats qui s'étaient tenus au congrès de la Société allemande de sociologie en 1961). L'esprit d'analyse conceptuelle de l'auteur ainsi que la force de ses arguments sont dignes d'éloge. S'il est vrai, comme nous l'avons déjà souligné, que sa petite introduction à la sociologie était marquée par un grand souci didactique, nous observons que dans ses articles sur la dispute du positivisme, la rigueur scientifique (ou philosophique, si l'on préfère) prévaut sur toute autre considération, même s'ils évoquent clairement les textes heureux de Zubiri, qu'il admire tant.

Ces quatre ouvrages suffiraient largement à témoigner de la diversité de la création intellectuelle de Jiménez Blanco. Pourtant, on ne peut passer outre d'autres publications, comme son premier article sur « la sociología de las comunicaciones masivas en los Estados Unidos » (la sociologie des communications de masse aux États-Unis) en 1958 ou ses travaux de recherche parrainés par l'OCDE et parus en 1970 sous le titre de « Estudio socioeconómico de Andalucía » (Étude socio-économique de l'Andalousie), dont le volume sur la structure sociale de cette région est l'œuvre de Francisco Murillo et de Jiménez Blanco. Il dirigea en 1977 l'ouvrage suivant : « La conciencia regional en España » (La conscience régionale en Espagne), auquel collaborèrent García Ferrando, López-Aranguren et Beltrán. En 1979, il dirigea et publia « Historia y sociología de la ciencia en España » (Histoire et sociologie de la science en Espagne) et en 1987, il participa avec Carlos Moya à la compilation d'un livre devenu un classique du genre, intitulé « Teoría sociológica contemporánea » (Théorie sociologique contemporaine). Sans oublier sa traduction raffinée du premier livre de Hawley publié en espagnol (en 1962), qui contribua d'une façon décisive à la divulgation de l'écologie humaine en Espagne.

Jiménez Blanco fait partie du groupe universitaire connu sous le nom de « École de Grenade » des sciences sociales dont il est, avec Arboleya, le premier membre à être devenu professeur de sociologie. Une école d'une tradition intellectuelle incommensurable à laquelle ont appartenu des professeurs aussi renommés que Fernando de los Ríos, Francisco Ayala et Joaquín García Labella et des experts en science sociale de la taille de Enrique Gómez Arboleya, Nicolás Ramiro Rico, Luis Sánchez Agesta et Francisco Murillo Ferrol, sans oublier bien sûr José Jiménez Blanco, professeur de sociologie, et José Cazorla Pérez, professeur de science politique (à la retraite depuis peu lui aussi). Ces personnalités sont suivies d'une longue liste de politologues, d'experts constitutionnalistes, de sociologues et d'anthropologues que nous ne mentionnerons pas ici mais pour qui l'enseignement de M. Francisco Murillo fut décisif dans leur formation intellectuelle et scientifique. C'est dans ce contexte que nous pouvons affirmer que Jiménez Blanco est devenu une référence pour l'ensemble de ses compagnons et collègues dans le domaine des sciences sociales en Espagne.

À l'occasion du départ en retraite du professeur Jiménez Blanco, un livre hommage lui a été offert. Les auteurs de ce livre ont rédigé leurs articles en toute liberté et le tout a été coordonné par un comité promoteur soucieux de refléter dans la composition de cet ouvrage le parcours institutionnel de Jiménez Blanco dans les différentes universités espagnoles : Dans ce comité, Julio Iglesias de Ussel représentait l'Université de Grenade, Víctor Urrutia celle de Bilbao, Juan del Pino celle de Malaga, Manuel García Ferrando celle de Valence, Miguel Beltrán l'Université Autonoma de Madrid, tandis que deux collègues représentaient l'Université Complutense : Antonio Izquierdo et Amando de Miguel. Chaque membre du comité invita d'autres collaborateurs issus du monde universitaire à participer à cet ouvrage, rassembla les différents articles et participa aussi bien à la rédaction du prologue qu'à l'organisation et à la composition de la table des matières.

La première partie du livre, intitulée « Personalia », ne contient aucun écrit de type académique mais plutôt des textes évoquant les souvenirs des auteurs à l'égard de Jiménez Blanco : les premières pages, écrites avec brio, sont dues à M. Francisco Murillo. Elles sont suivies des souvenirs, comme étudiant, de Ricardo Montoso à l'Université Autonoma et de ceux de José Ortiz Díaz, relatifs à la « fondation » de la faculté de Malaga. La présente notice biographique ne peut contenir un recensement complet du livre hommage, en dépit de la quantité et la qualité des articles qu'il comporte. Nous nous contenterons donc ici d'une simple référence à sa thématique : le deuxième chapitre traite des « Aspects de la société espagnole » et aborde des sujets tels que la religiosité et la sécularisation, la famille et les jeunes, l'immigration et certaines questions régionales. Le troisième chapitre, intitulé « La hauteur des temps », traite du postmodernisme et de la mondialisation, des technologies de la communication et des styles de vie, de la connaissance, du tourisme et, enfin, du temps. Les articles regroupés au quatrième chapitre sous le titre « Politique, économie et droit » mettent l'accent sur l'articulation de ces différentes structures dans le contexte général du système social : on parle ici de la démocratie et des organismes publics, de l'État et de la nation, des relations intergouvernementales et du fédéralisme, des juges et de l'Union européenne. Deux chapitres complètent cet ouvrage : l'un, intitulé « Théorie sociologique », aborde les thèmes suivants : la culture, l'idéologie, l'identité, la sociologie de la sociologie et d'autres questions. Le dernier chapitre, plus court, consiste en une approche méthodologique contenant des réflexions inspirées d'une expérience vaste et reconnue ainsi que des indicateurs, une analyse statistique et un sondage.

Ces brèves références permettent d'avoir une vue d'ensemble de cet ouvrage comportant presque mille deux cents pages. Une œuvre exceptionnelle de par la qualité des travaux qu'elle contient et par la renommée de ses auteurs. Ce livre atteste du prestige et de l'estime dont jouit le professeur José Jiménez Blanco dans le domaine des sciences en Espagne.

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